Le règne d'un empereur

À la suite du coup d’État, Zaouditou, est proclamée Nigiste le 11 février 1917 et Ras Tafari Makonnen comme héritier du trône. En cette période d’occupation coloniale du reste du continent, Zaouditou est ainsi la première femme chef d’État d’un pays indépendant. .

Au fur et à mesure du règne de  Zaouditou, fille de Menelik II, des différences de plus en plus grandes éclatent au grand jour entre et son ministre Teferi Mekonnen. Teferi cherche à « moderniser » persuadé que la survie  du pays dépend de son ouverture aux Alliés. Il est soutenu dans cette voie par les jeunes de la noblesse. Zaouditou a, elle, une vision plus conservatrice. Veillant à la mémoire de son père, Menelik II, et croyant en la nécessité de préserver avant tout la tradition éthiopienne, elle reçoit un très fort soutien de l’église éthiopienne. Zaouditou s’occupe ainsi principalement des activités religieuses, en faisant construire de nombreuses églises, et se détourne peu à peu des activités purement politiques, en laissant un pouvoir accru à Tafari sur ces sujets. L’Éthiopie entre ainsi, sous l’impulsion de Tafari Makonnen, à la Société des Nations le 28 décembre 1923.

L’empereur Haile Selassie (1930 – 1974)

Le 2 avril 1930, Zaouditou s’éteint. Tafari Makonnen est couronné Négus sous le nom de Haile Selassie I (Force de la Trinité) le 2 novembre 1930. Le couronnement a lieu à la cathédrale Saint-Georges d’Addis-Abeba, en présence de représentants officiels venus du monde entier, ce qui lui donne très rapidement une envergure internationale.

La première Constitution est proclamée  le 16 juillet 1931. Le 12 octobre 1931, une nouvelle banque nationale est créée. Durant les années qui suivent, une véritable modernisation de l’Empire éthiopien suit son cours, avec l’apparition de l’aviation (premiers pilotes éthiopiens et un atelier de montage) ,le développement du réseau routier, la mise en circulation du papier-monnaie en 1933, création de nombreuses écoles en province, du cinéma, etc.

Du 2 octobre 1935 au 5 mai 1936, la guerre italo-éthiopienne éclate.  Ce conflit oppose l’Italie fasciste de Benito Mussolini à l’Empire d’Éthiopie de Haile Selassie . C’est la seconde tentative de l’Italie de s’emparer du pays. La présence de l’Éthiopie à la Société des Nations est considérée comme un affront à sa politique raciale et fasciste. Le 2 octobre 1935, Mussolini annonce la déclaration de guerre à l’Éthiopie. En attaquant ce pays, membre de la Société des Nations, Mussolini viole l’article XVI de l’organisation. L’Angleterre et la France, soucieuses de conserver l’Italie comme alliée contre l’Allemagne décident de ne prendre aucun mesure pour décourager le développement militaire italien. Dès le début des opérations, le 3 octobre, Mussolini prend la direction des opérations et envoie presque quotidiennement des ordres radiotélégraphiés à ses généraux présents sur le champ de bataille. Le 6 octobre, Adoua, ville symbole de l’humiliation italienne, tombe. Les bombardements chimiques d’artillerie et aériens se poursuivent aussi bien sur le front Nord que sur le front Sud, employant un total de 350 tonnes d’armes chimiques. La conduite d’une vraie politique d’extermination envers les Éthiopiens ne se limite pas à l’emploi des armes chimiques mais est conduite avec d’autres moyens, comme l’ordre de ne pas respecter les marquages de la Croix rouge ennemie ce qui conduit à la destruction d’au moins 17 hôpitaux et installations médicales éthiopiennes ou par l’emploi de troupes askari (libyens de religion musulmane) contre les armées et la population chrétienne d’Éthiopie. De l’autre côté, les troupes du Négus, moins nombreuses et moins bien armées, résistent parfois héroïquement. Le 5 mai 1936, après sept mois de conflit, Addis-Abeba tombe ; le 9 mai, la victoire est proclamée par Mussolini. Haïlé Selassié, après une décision majoritaire du Conseil impérial, prend le chemin de l’exil vers l’Angleterre afin de sauvegarder le gouvernement national.

Le 27 juin 1936, depuis Genève, il lance  un appel à la S.D.N, la Société des Nations devant tous les pays membres. Dans son discours, Hailé Sélassié Ier dénonce les agissements de l’occupant comme des actes « barbares », et met en garde la communauté internationale contre les conséquences à venir de leurs positions, déclarant notamment : « J’ai décidé de venir en personne, témoin du crime commis à l’encontre de mon peuple, afin de donner à l’Europe un avertissement face au destin qui l’attend, si elle s’incline aujourd’hui devant les actes accomplis »

Malgré les mises en garde du Négus devant le danger fasciste que laisse apparaître cette guerre, la Société des Nations se contente de décréter des sanctions économiques qui ne seront jamais mises en application. La période d’occupation italienne est marquée par la violence de l’occupant et par l’échec de la politique de colonisation. Le développement des mouvements de résistance éthiopienne, ainsi que la violence elle-même qui nourrit en retour la résistance, sont autant d’éléments participant de cet échec La violence avec laquelle est menée l’occupation culmine dans plusieurs épisodes tragiques qui symbolisent encore aujourd’hui cette période en faisant chacun l’objet d’un monument commémoratif présent de nos jours à Addis-Abeba, sur la place de Siddist Kilo.

 =En 1939, année du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la situation d’impasse dans laquelle se trouve l’Italie ne fait que s’accentuer. D’un côté, les Italiens échouent à mettre fin à la résistance, de l’autre, les Éthiopiens sont eux aussi incapables de pénétrer les lignes ennemies. La libération de l’Éthiopie viendra de la campagne plus générale de libération de l’Afrique de l’Est qui débute le 13 juin 1940.

Le 5 mai 1941, l’Éthiopie est libérée, date célébrée depuis comme le Jour de la Victoire. Le Négus Hailé Sélassié revient à Addis Abeba avec le soutien des Britanniques.

Les premières années de reconstruction voient se succéder de nombreuses réformes conduisant à de nettes améliorations sociales et économiques dans le pays. Haïlé Sélassié entame dès la libération une ouverture du pays à l’international dans l’idée « d’assimiler les nouvelles idées du progrès sans se départir de sa propre culture ». Cette approche lui offre très vite une stature internationale. Les tensions internes éclipsées par l’euphorie de la libération ne tardent pas à refaire surface. Plusieurs tentatives d’assassinat ont lieu. Des révoltes paysannes commencent à voir le jour dans les années 1960. Au début des années 1970, une famine de très large ampleur ravage la région du Wollo.

Le 17 avril 1972, les étudiants manifestent et ouvrent les yeux du pays sur l’ampleur de la situation ; une plus juste répartition des terres fait partie des premières revendications. Des heurts violents les opposent à la police. Haile Selassie admet finalement son incapacité à gérer la situation et fait appel à l’aide internationale. Les pertes humaines sont estimées à 200 000 personnes. Les professeurs, universitaires et intellectuels sont au premier rang de la contestation qui s’organise suite à l’annonce d’une réforme du secteur de l’éducation.

Le 14 février 1974, les étudiants manifestent et font face à une riposte armée de la police. Le 18 février les professeurs accompagnés des conducteurs de taxis, qui entendent protester contre une hausse de 50 % du prix du carburant, bloquent la capitale. De nombreuses attaques contre les propriétés de la classe dirigeante ont lieu.

Le 7 mars 1974, la première grève générale dans l’histoire de l’Éthiopie a lieu. Face à un mouvement populaire d’ambition révolutionnaire touchant tous les secteurs de la société, le régime ne peut plus compter que sur ses forces armées. Vers la fin du mois d’avril 1974, un comité de représentants élus comprenant tous les échelons de l’armée se met en place sous le nom de Comité de Coordination des Forces armées, plus connu sous le nom de Derg (Comité en amharique). En août 1974, il se saisit de la première des demandes des contestataires : le renversement de Haile Sélassié.

 Le 12 septembre, l’annonce de sa déposition est faite dans tout le pays. Le Derg assure le rôle de chef d’État, la constitution est suspendue et le parlement dissout. La prise de pouvoir est très vite perçue dans la population et particulièrement chez les intellectuels comme une trahison de la révolution du peuple. Le 23 novembre, 59 personnalités du régime de Haile Selassie sont exécutées, un tournant dans le régime, qualifié par la presse de « fasciste